
Remarques de M. Abdou Abarry représentant permanent du Niger auprès des Nations unies au débat virtuel sur la violence contre les petites filles dans les conflits armes et le rôle du système de justice pénale internationale.
Excellences, Distingués invités,
Permettez-moi de commencer par dire que ma délégation est heureuse de participer à cette discussion en tant que co-organisateur, conjointement avec l’Italie, la Belgique, le Salvador, la Norvège, l’Union européenne, le Bureau du RSSG sur les enfants et les conflits armés, Save the Children, la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation et le Réseau des universités.
Mes remarques liminaires aujourd’hui porteront sur les domaines critiques dans lesquels nous voyons le système de justice pénale internationale jouer un rôle dans la réponse à la violence contre les filles dans les conflits armés.
L’accent mis sur les filles est justifié. Les conflits ont un impact disproportionné sur les enfants, et les filles sont particulièrement vulnérables. Dans les zones touchées par les conflits, les filles subissent toutes sortes de violences et sont souvent prises pour cible en raison de leur sexe. Elles ont moins de chance d’aller à l’école et sont, par conséquent, plus vulnérables aux mariages d’enfants et aux mariages forcés. Lorsqu’elles sont scolarisées, elles sont exposées à des risques de violence à l’école ou sur le chemin de l’école. Plus récemment, nous avons constaté une tendance inquiétante à l’enlèvement massif d’écoliers, ce qui a un impact négatif sur l’accès à l’éducation dans une région où les progrès de la scolarisation sont si nécessaires.
Ils sont également vulnérables aux enlèvements et au recrutement forcé dans des groupes terroristes et armés. Dans certaines régions du Sahel, des groupes terroristes, tels que Boko Haram, enlèvent des filles et les enrôlent de force dans leurs rangs comme prisonnières de guerre et les utilisent comme esclaves sexuelles ou bombes humaines.
Comme si les guerres et les conflits armés n’étaient pas assez dévastateurs, des milliers de femmes et de filles subissent des violences sexuelles inhumaines en période de conflit, commises comme stratégie de guerre, de répression politique, de torture et de terreur. C’est un problème qui nous concerne tous et qui doit être combattu.
Excellences, Distingués invités,
Le fardeau porté par les enfants qui devraient, quelles que soient les circonstances, apprendre et vivre à l’abri de la peur est bien trop lourd dans les conflits armés. Il est nécessaire d’intensifier les efforts concertés pour mettre fin à la violence contre les enfants dans les conflits armés, en tenant compte de la dimension sexospécifique des conséquences de ces atrocités.
Les mécanismes visant à renforcer la réponse du système de justice pénale internationale, tels que la politique du Bureau du Procureur à l’égard des enfants, sont des cadres importants qui, parallèlement aux efforts locaux et régionaux, peuvent garantir, comme l’a déclaré Madame Fatou Bensouda, que les enfants qui subissent les injustices les plus graves ne sont pas ignorés.
Pour répondre à certaines des questions soulevées par la discussion d’aujourd’hui, ma délégation souhaite faire les remarques suivantes :
Premièrement, la première étape vers la responsabilisation et la justice consiste à croire et à écouter les filles, en tant que personnes dotées d’un pouvoir d’action, et à veiller à ce que les survivants de la violence reçoivent le soutien psychosocial nécessaire et retrouvent une vie normale, exempte de violence, de stigmatisation et de peur.
À cet effet, la violence à l’encontre des enfants et des filles doit faire l’objet d’une enquête et d’une documentation en bonne et due forme. Pour que cela soit efficace, il faut un soutien technique et financier suffisant pour développer l’expertise en la matière, en particulier pour les organisations locales de défense des droits de l’homme qui sont souvent le premier recours des survivants.
Deuxièmement, il faut adopter une approche adaptée aux enfants et faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une priorité absolue. La recherche de la justice et de la responsabilité, bien qu’elle soit essentielle à la guérison du tissu social et à la dissuasion de nouvelles violations, ne doit pas se faire au détriment du bien-être des enfants.
Les survivants, dans le cas de la violence sexuelle, doivent avoir la possibilité de reconstruire leur vie dans un environnement sûr au sein de leur propre communauté.
Troisièmement, la localisation de la justice est essentielle car le recours à la justice ne doit pas être réservé à ceux qui peuvent se le permettre ou qui peuvent l’atteindre. Cela est particulièrement vrai lorsque l’on pense aux filles des communautés rurales et à leurs familles.
Le système international de justice pénale, qui fonctionne principalement comme un mécanisme descendant, peut modifier son approche en ce qui concerne la violence contre les filles dans les conflits armés en travaillant étroitement avec les juridictions locales et nationales et en renforçant les cadres juridiques et politiques de protection existants pour les femmes et les filles afin de soutenir leur pleine mise en œuvre et de mieux renforcer leur capacité à répondre de manière appropriée à la violence contre les filles dans les conflits armés.
Excellences, Distingués invités,
Il est essentiel d’instaurer la confiance dans la justice et la justice transitionnelle dans le contexte d’un conflit armé. Lorsque les communautés et les familles comprennent que leur recours à la justice peut être entendu et traité de manière adéquate, avec une protection solide, en particulier dans les cas sensibles, et un soutien psychologique, elles seront plus enclines à s’engager.
Je conclus en soulignant que les mécanismes locaux, nationaux et internationaux sont tous importants pour assurer la responsabilité et peuvent se compléter dans les efforts visant à donner de l’espoir et à protéger les enfants dont l’enfance a été assombrie par un conflit – en assurant leur développement physique, émotionnel, moral, intellectuel et social.
Je vous remercie de votre attention.