
Presentation Visio-conference de la Force Conjointe du G5 Sahel au Conseil de Sécurité des Nations Unies
Je voudrais avant tout propos, vous remercier de l’honneur qui nous est fait en nous permettant de vous édifier sur l’actualité la Force Conjointe du G5 Sahel.
La Force a été créée en février 2017 en vue d’aider à relever les défis sécuritaires qui assaillent la Bande Sahélo-Saharienne.
Quatre années donc durant lesquelles la Force Conjointe a œuvré d’abord à la génération des forces et à leur déploiement, puis à l’opérationnalisation capacitaire progressive qui passait par le soutien international en accompagnement des efforts individuels et collectifs des États membres du G5 Sahel et continue à œuvrer, depuis la troisième année, à sa montée en puissance et sa maturation opérationnelle.
Ainsi, depuis Novembre 2020, la Force Conjointe en est à son quatrième mandat, avec déjà beaucoup d’avancées notamment dans les domaines des opérations et du partenariat ; mais aussi avec encore bien de défis à relever.
Monsieur le président,
Afin de vous édifier sur la Force Conjointe du G5 Sahel, si vous le voulez bien, je me propose de vous parler successivement :
- D’abord de la genèse et de l’organisation de la Force Conjointe ;
- Ensuite des actions menées par la Force Conjointe et des avancées récentes capitalisées jusque-là ;
- Enfin des perspectives et défis importants qui restent encore à relever.
La Force Conjointe est une des structures purement sahéliennes, relevant de l’institution commune qu’est le G5 Sahel, dont les cinq pays membres sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Le mandat de la Force Conjointe lui est donné par le Comité Paix et Sécurité de l’Union Africaine, au sein de l’Architecture Paix et Sécurité Africaine.
Pour un effectif initial autorisé de 5000 personnes, la Force dispose de :
- 4 PC multinationaux ;
- 7 Bataillons comprenant chacun en son sein une unité prévôtale ;
- Et 7 Unités d’Investigation Spécialisées, constituant la Composante Police de la Force ;
- Il faut maintenant rajouter le 8°Bataillon de la Force Conjointe, en provenance du Tchad, qui vient d’être engagé au Centre, dans la zone dite des trois frontières.
Pour ce qui est du soutien logistique et financier, suivant nos concepts,
En premier lieu, les pays du G5 Sahel sont responsables du soutien des forces qu’ils mettent à la disposition de la FC-G5S au travers de leur chaîne logistique nationale.
En deuxième, un soutien logistique additionnel est fourni à travers l’arrangement technique (AT) entre le G5S, l’ONU et la Commission Européenne.
Enfin exceptionnellement par BARKHANE selon les modalités définies dans le protocole de soutien réciproque entre la FC-G5S et BARKHANE.
Comme vous pouvez le constater, il s’agit somme toute d’un système de soutien pour le moins complexe et dont la pérennité reste fragile. Un système dans lequel, le COMANFOR qui ne soutient pas lui-même ses troupes n’a pas l’intégralité du commandement sur les unités qui ne sont par conséquent que sous simple contrôle opérationnel (OPCON).
Monsieur le président,
Vous le savez tout autant que nous, l’éradication du terrorisme, est une lutte de longue haleine qui a mis à rude épreuve les meilleures armées du monde partout où il y a eu nécessité d’intervention. Le théâtre sahélien, centré sur et autour du Mali, avec la multitude d’acteurs et intervenants que nous connaissons tous, en est une parfaite illustration.
De janvier 2020 à ce jour, la situation sécuritaire était restée assez préoccupante au regard du grand nombre et très souvent de la violence des incidents relevés. A côté de cela, il a été noté l’exacerbation par endroits des conflits à caractère intercommunautaire et inter-ethnique, le plus souvent instrumentalisés par les divers groupes armés.
Pour en venir aux opérations menées, il faut dire qu’après avoir campé les orientations initiales que j’avais fixées dès ma prise de fonction, en août 2019 et les grandes lignes de mon agenda opérationnel, il s’était agi pour nous, de planifier et mettre en œuvre des opérations conformément à notre mandat, à travers des directives de planification suivant un plan de campagne qui devrait courir d’août 2019 à août 2021.
L’un des objectifs principaux de ce plan vise à mettre en harmonie les futures opérations de la Force Conjointe avec les différents efforts des Armées Nationales et des Forces partenaires que sont BARKHANE et la MINUSMA. Ce plan de campagne visait aussi clairement à faire évoluer la posture et le format de la Force pour lui faire gagner en pragmatisme et en efficacité afin de mieux faire face à la situation sécuritaire délétère, surtout dans le centre de l’espace du G5S.
Pour ce qui des opérations, de ses débuts à ce jour, la FC-G5 en est à 25 opérations menées. Parmi ces 25 opérations, onze (11) majeures ont été réalisées depuis la fin 2019 à ce jour ; avec des résultats fort honorables en termes de dépollution de notre espace commun.
Ainsi, à côté de centaines de terroristes neutralisés et d’une grande quantité de matériels saisis ou détruits, occasionnant la désorganisation d’une bonne partie de leur capacité logistique, nous pouvons citer à titre d’exemple, particulièrement pour la seule période allant de novembre 2020 à avril 2021, les soixante-dix-neuf (79) personnes interpellées ou capturées et qui sont actuellement dans les chaînes de judiciarisation.
Tout cela donne une idée du chemin parcouru en termes d’activités opérationnelles.
Monsieur le président,
Pour ce qui est du partenariat international soutenant la FC-G5S, à côté des efforts nationaux de nos cinq Etats, il s’applique sur un certain nombre de domaines.
Dans le domaine de la formation, les principaux partenaires de la FC-G5S sont : EUTM/Mali – EUCAP/Sahel – HCDH/MINUSMA.
Le Soutien à la mise en œuvre du cadre de conformité droits de l’homme s’appuie sur des fonds de l’UE, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, à travers son bureau près la MINUSMA, a la responsabilité.
Le Soutien logistique opérationnel qui lui s’appuie sur un mécanisme qu’il a été convenu d’appeler « soutien additionnel » basé sur des fonds de l’UE, dont la MINUSMA a la responsabilité. La question avance, certes lentement, mais avance quand même avec des actions en cours concernant la recherche de son amélioration, notamment suite aux nouvelles injonctions de la résolution 2531(2020) du 29 juin 2020 du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce soutien, qui il faut le dire, apparaît bien salutaire mais reste insuffisant sous bien d’aspects.
L’appui en équipements, services et infrastructures au profit de la Force Conjointe suit principalement deux axes : Appui en Bilatéral directement traité avec les structures nationales des cinq pays du G5S ; Appui direct à la Force.
Par ailleurs en termes de soutien en équipements et fourniture de services, AFRICOM intervient aussi, mais très souvent de façon indirecte au profit de la FC.
Enfin, un soutien purement opérationnel est fourni autant que possible à la FC-G5S par la Force Barkhane, en termes d’appuis aériens (survols ISR, appui feu au contact, transport) et de fourniture de rations de combat.
Monsieur le président,
Ce dont le rapport qui vous est fait parle peu, ce sont les avancées que nous avons pu capitaliser. Ainsi, au titre des avancées, il s’agit d’abord de la systématisation des opérations coordonnées et/ou conjointes avec les Forces concourantes nationales et les Forces partenaires, qui est l’un des cadrages fondamentaux de notre plan de campagne a pu se mettre en place. Aussi, la coopération et la coordination, quelles que soient leurs formes, sont donc actuellement un réel succès.
Ensuite, à côté des activités opérationnelles, un certain nombre d’avancées majeures bien notables ont été capitalisées depuis un certain temps.
Il s’agit d’abord de l’évolution de la posture et du format qui est aussi l’un des objectifs opératifs substantiels de notre plan de campagne. Cet objectif est actuellement considéré comme étant bien engagé.
Autre avancée majeure, c’est l’effectivité de l’harmonisation des actions et la coordination entre les différents acteurs que nous recherchions à travers la systématisation des opérations coordonnées et/ou conjointes.
Enfin et pas des moindres, les avancées dans le domaine du respect des Droits de l’homme et de la protection des civils, avec d’une part, la mise en œuvre pratique de la Procédure Opérationnelle Permanente (POP) de la FC-G5S relative aux enquêtes internes ; et d’autres part, la mise en place du Mécanisme d’Identification, de Suivi et d’Analyse des Dommages causés aux Civils (MISAD). Dans le cadre du respect des Droits de l’homme et du Droit International Humanitaire, à la Force Conjointe, nous pouvons dire que bien au-delà de l’apprentissage, nous en sommes largement au stade de l’appropriation.
Monsieur le président,
Au registre des défis importants face à nous, il faut d’abord noter que du point de vue fonctionnel, il est permis dans l’absolu d’affirmer que le niveau atteint paraît satisfaisant. Cependant, du point de vue capacitaire, deux aspects méritent une attention particulière. Et la question du financement pérenne reste aussi un défi qu’il faut ici rappeler.
Ainsi, premièrement, la force ne dispose pas de capacité aérienne propre, alors même que le combat antiterroriste actuel ne peut se faire efficacement sans cette rallonge capacitaire. Et en deuxième lieu, il s’agit du système de renseignement, l’autre grande faiblesse de la FC-G5S.
Dans le cadre de ces deux défis capacitaires et en attendant une éventuelle autonomisation, les besoins opérationnels incompressibles nous imposent actuellement et en complément des lourds efforts nationaux, de poursuivre la collaboration avec les partenaires opérationnels présents sur le théâtre desquels, il faut le dire, nous restons encore fortement dépendants.
Enfin, sur la question du soutien en général de la Force Conjointe, il est bon de rappeler que malgré les différents soutiens internationaux annoncés, dont les mises en place effectives sont souvent fastidieuses, les Etats du G5 Sahel continuent de consentir à l’interne d’importants sacrifices. Aussi, il est opportun de rappeler la nécessité de trouver le moyen de pérenniser le système de financement de la Force Conjointe. Dans ce cadre, la solution la plus pérenne serait la mise en place d’un Bureau d’Appui des Nations Unies chargé de fournir à la Force Conjointe un soutien logistique, opérationnel, tactique et stratégique, qui serait financé au moyen de contributions tant statutaires que volontaires.
Monsieur le président,
En définitive, il clair donc que des avancées fort significatives ont été enregistrées. Les orientations insufflées ont visé à conduire la Force Conjointe vers plus de réalisme et de pragmatisme.
C’est ainsi que la Force conjointe a pu engager des efforts, somme toute relativement fructueux, dans le domaine des opérations militaires et des relations avec les partenaires qui font qu’aujourd’hui elle apparait de plus en plus clairement comme étant la Force purement Sahélienne crédible avec laquelle il faille composer.
Cependant, des défis restent encore à relever.
La situation opérationnelle de la zone de responsabilité évoluant en permanence, il y a assurément un besoin avéré de poursuivre la dynamique actuelle de coordination et de mutualisation des capacités.
Ainsi, c’est ici pour nous l’occasion, si vous le permettez, de rappeler qu’il s’agira certainement de maintenir et redoubler les efforts de mobilisation des moyens matériels et financiers, tout au moins conformément aux engagements pris par la communauté internationale, pour à terme nécessairement évoluer vers un soutien plus pérenne que nous appelons de tous nos vœux, dans l’optique de réussir à endiguer ces fléaux qui actuellement assaillent et endeuillent nos contrées et menacent la stabilité internationale.
Je vous remercie de votre aimable attention.