Declaration du Colonel-Major Mahamadou Seidou Magagi Directeur du CNESS-Niger au débat ouvert de haut niveau du Conseil de sécurité des Nations unies sur « le climat et la sécurité ».

Declaration du Colonel-Major Mahamadou Seidou Magagi Directeur du CNESS-Niger au débat ouvert de haut niveau du Conseil de sécurité des Nations unies sur « le climat et la sécurité ».

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer aujourd’hui sur le climat et la sécurité. Mes remarques porteront sur les questions et les alternatives de ma partie du monde, le Sahel africain. Je commencerai par aborder la mesure dans laquelle le changement climatique affecte les moyens de subsistance des citoyens, puis j’examinerai les conséquences plus générales du changement climatique sur la sécurité régionale avant de souligner le rôle du Niger dans l’atténuation du changement climatique et, enfin, de formuler quelques recommandations à l’intention des Nations unies. Excellences,

Il y a peu d’endroits dans le monde où le changement climatique est plus réel que dans le Sahel. Dans les meilleures conditions, le Sahel est un endroit difficile, en particulier pour les agriculteurs et les éleveurs – deux des moyens courants par lesquels les gens gagnent leur vie dans le Sahel. Les températures déjà élevées, oscillant en moyenne entre 25 et 45 degrés centigrades, sont en hausse et devraient augmenter de 2,5 degrés centigrades d’ici 2060 dans le Sahel.

Avec l’augmentation des températures mondiales, les précipitations annuelles au Sahel deviennent très variables en intensité et en fréquence. Cela entraîne, au fil des ans, de fréquentes pluies abondantes, des inondations, des vents forts, des tempêtes de sable et des sécheresses. Au Niger, par exemple, 85 % des 3702 catastrophes naturelles survenues entre 1973 et 2014 ont eu lieu entre 2001 et 2014.

Les températures élevées entraînent également une évaporation accrue des eaux de surface déjà rares du Sahel, ce qui contribue à de graves sécheresses.

Ces changements climatiques entraînent des difficultés pour les populations du Sahel puisque 80 % de la population du Sahel dépend d’activités sensibles au changement climatique pour leur subsistance. Les moyens de subsistance transmis de génération en génération sont menacés par l’assèchement des nappes phréatiques, la diminution du rendement des cultures et l’envahissement progressif du désert par des terres autrefois fertiles. Tous ces changements ne manqueront pas d’avoir des conséquences néfastes sur la paix et la sécurité régionales.

Tout d’abord, il affecte directement les revenus personnels et le niveau de vie. L’année 2012 combinant inondations et sécheresses, des millions de Sahéliens se sont encore plus appauvris en perdant leurs récoltes et leur bétail. Dans toute l’Afrique de l’Ouest, 19 millions de personnes ont été touchées. Deuxièmement, le changement climatique et les catastrophes naturelles qui en résultent exacerbent une concurrence déjà intense entre les populations rurales, en particulier les agriculteurs et les éleveurs, pour les ressources naturelles rares telles que la terre, l’eau et les pâturages.

Il n’est pas surprenant qu’au Niger, la plupart des conflits entre les populations rurales se soient produits entre agriculteurs et éleveurs. La concurrence entre les agriculteurs et les éleveurs s’aggrave dans le centre du Mali et le nord du Nigeria, avec un nombre croissant de morts. Compte tenu des prévisions météorologiques pour la région et du fait que le Sahel a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, environ 3 % par an, cette concurrence devrait s’intensifier.

Troisièmement, de nombreuses personnes sont contraintes d’émigrer pour survivre. Dans les cas où les migrants s’installent pour une longue période, les risques de conflits avec les résidents sont élevés. Dans le pire des cas, certaines personnes, surtout des jeunes, se tournent vers des activités illégales pour faire face aux conséquences du changement climatique. Une enquête menée l’année dernière par le CNESS-Niger dans la région du lac Tchad au Niger a révélé que les inondations successives de 2012 et 2013 ont stimulé le recrutement au Boko Haram, les jeunes ayant perdu leurs récoltes se tournant vers le mouvement extrémiste comme alternative.

En outre, une étude marquante menée par Adelphi a établi un lien entre le changement climatique et la dynamique des conflits dans un cercle vicieux. Dans la région du lac Tchad, le changement climatique augmente la probabilité d’un conflit, tandis que les conflits sapent la capacité des communautés à faire face et à s’adapter au changement climatique. Bien que les tendances ci-dessus puissent alimenter les conflits, le lien entre le changement climatique et les conflits n’est pas toujours évident. Excellences,

Des études récentes s’accordent à dire que le changement climatique n’est qu’un des nombreux facteurs de conflit. En substance, le changement climatique doit être considéré comme un « multiplicateur de menaces ». Les niveaux élevés de pauvreté et les faibles capacités de l’État sont souvent des facteurs de conflit plus influents. Dans le Sahel central, par exemple, le rapport d’avril 2020 de l’International Crisis Group a révélé que le changement climatique a un lien indirect avec les conflits en perturbant l’équilibre précaire entre les systèmes de production pastorale et agricole, au détriment des éleveurs.

Au Mali central, cela explique en partie les tensions croissantes entre les pasteurs sédentaires et nomades pour l’accès aux terres et aux pâturages. Le rapport souligne que dans de nombreux cas, l’incapacité des États-nations à gérer ces tensions de manière adéquate conduit à des conflits violents. En effet, l’extension des conflits dans la région est moins liée à la diminution des ressources qu’à la transformation des modes de production, ce qui se traduit par une concurrence mal régulée pour l’accès à des ressources de plus en plus convoitées en particulier les terres arables. Il ressort de ce qui précède que le changement climatique est un facteur parmi d’autres à l’origine des conflits au Sahel.

Cependant, le réchauffement climatique attendu et ses conséquences sur les hommes dans le monde entier, en particulier au Sahel, vont exacerber les risques de sécurité. Cette situation fait appel à notre responsabilité individuelle et collective pour préparer notre génération et la suivante ! Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

En réponse au changement climatique dans le Sahel, les initiatives nationales et le leadership régional du Niger ont un impact positif. Sur le plan interne, le Niger a adopté des politiques, stratégies, programmes et initiatives innovants visant à atténuer les effets du changement climatique et à renforcer la résilience de ses populations. Par exemple, l’initiative historique, l’initiative 3 N intitulée « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », permet au Niger d’éviter les famines en dépit des sécheresses. Grâce à cette initiative, le Niger n’a pas connu de famine depuis 2011 et a réussi dès 2012, avant la date prévue, à réduire de 50 % la part de sa population menacée par l’insécurité alimentaire.

Au niveau sous-régional, le Niger participe activement à diverses actions en faveur du climat. Depuis 1974, le Niger accueille le Centre régional AGRHYMET chargé des prévisions météorologiques et de la sécurité alimentaire au Sahel. En outre, depuis 2016, le Niger est à la tête de la Commission Climat pour le Sahel, qui regroupe 17 pays africains et vise à faciliter la mise en œuvre de l’Accord de Paris dans la sous-région.

Enfin, je voudrais proposer les recommandations suivantes sur la manière dont les Nations unies pourraient mieux aider les pays du monde entier à atténuer les risques liés à la sécurité climatique :

– Mener une évaluation intégrée de la sécurité climatique avant d’impliquer dans l’assistance aux pays ;

– Aider à renforcer les capacités nationales à locales pour surveiller et gérer les effets du changement climatique ;

– charger les équipes de pays des Nations unies qui sont en contact avec les organismes gouvernementaux concernés de recueillir des informations fiables sur l’impact des risques pour la sécurité liés au climat dans les situations de conflit et de mettre ces résultats à la disposition des États membres des Nations unies ;

– Veiller à ce que le Plan-cadre des Nations unies pour l’aide au développement (PNUAD) intègre pleinement les risques de sécurité liés au climat et leur gestion en tenant dûment compte de la problématique hommes-femmes ;

– Renforcer la « Plate-forme des Nations Unies pour l’information spatiale pour la gestion des catastrophes et les interventions d’urgence » appelée UN-SPIDER pour ajouter une composante d’évaluation des risques de sécurité liés au climat qui sera mise à la disposition du Conseil de sécurité des Nations Unies ;

– Mettre en place et maintenir un mécanisme de coordination de la gestion des risques de sécurité climatique des Nations unies. Merci pour votre aimable attention.

Merci pour votre aimable attention.

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.