
Déclaration de S.E. Dr. Halimah DeShong Représente permanente adjointe de Saint-Vincent-et-les Grenadines au nom des A3+1 (Niger, Afrique du Sud, Tunisie) et Saint-Vincent-et-les Grenadines sur la situation en Haïti.
J’ai l’honneur de prononcer cette déclaration au nom de l’Afrique du Sud, du Niger, de la Tunisie et de Saint-Vincent-et-les Grenadines (A3 + 1). Nous remercions Mme Helen La Lime, Représentante spéciale du Secrétaire général pour son exposé détaillé. Nous remercions également M. Jacques Létang, président de la Fédération haïtienne des barreaux, pour sa présentation.
Les exposés d’aujourd’hui et le dernier rapport du Secrétaire général (S / 2020/537) montrent que la situation en Haïti est extrêmement dramatique. La situation sécuritaire, politique, humanitaire et socioéconomique préoccupante a été exacerbée par la pandémie de COVID-19 et risque de s’aggraver davantage en raison de chocs externes, tels que le changement climatique.
Dans un contexte de défis de taille et soucieux de ceux qui nous attendent, l’A3 + 1 encourage la communauté internationale à continuer de soutenir notre nation sœur des Caraïbes et à réaffirmer notre soutien au BINUH. En conséquence, nous souhaitons faire les remarques suivantes :
Premièrement, l’A3 + 1 demeure profondément préoccupé par les défis politiques persistants, en particulier les problèmes entourant les élections et l’absence de calendrier électoral. Nous notons avec préoccupation l’absence de convocation d’élections législatives en retard et nous savons que le délai constitutionnel pour la prochaine élection présidentielle est imminent. Nous demandons instamment aux autorités haïtiennes de prendre les mesures nécessaires pour garantir la bonne organisation de ces élections dans les meilleurs délais. À cet égard, nous appelons les dirigeants politiques haïtiens à aller de l’avant avec la formation d’un gouvernement afin d’attirer davantage de soutien bilatéral et multilatéral.
L’A3 + 1 souligne également qu’il ne peut y avoir de solution imposée de l’extérieur à la crise politique et appelle toutes les parties prenantes haïtiennes à travailler de manière constructive, afin de trouver une solution globale et pacifique à long terme.
À cet égard, l’A3 + 1 exhorte en outre tous les dirigeants politiques haïtiens à convoquer un dialogue national et à s’abstenir de tout acte susceptible de déclencher de nouvelles violences et de compromettre les gains du pays sous la direction de l’ONU.
Deuxièmement, nous saluons le rôle de la Commission nationale du désarmement, du démantèlement et de la réintégration (CNDDR) et saluons leurs efforts dans l’élaboration d’une stratégie nationale de réduction de la violence dans la communauté afin de renforcer les efforts de lutte contre la violence des gangs. Nous saluons également le rôle des efforts de la Police nationale haïtienne (PNH) dans la lutte contre le fléau de la violence des gangs en Haïti. Nous sommes troublés par la prolifération d’armes et de munitions illicites qui continuent d’entrer illégalement dans le pays. Comme beaucoup d’autres petits États insulaires des Caraïbes, Haïti n’est pas un fabricant d’armes à feu ni de munitions. Cependant, sa situation géographique entre les fournisseurs et les consommateurs de stupéfiants illégaux au sud et au nord, en fait un point de transbordement pour les armes illicites.
Nous notons que la prévalence d’armes illicites a déclenché une recrudescence de la criminalité, en particulier parmi les gangs, qui continuent de créer de l’insécurité. Nous sommes profondément troublés par les informations selon lesquelles un «escadron de la mort» a perpétré des attaques violentes dans plusieurs quartiers pauvres de Port-au-Prince. Nous demandons une enquête approfondie et que les auteurs soient tenus responsables. La collaboration entre le BINUH, les autorités nationales haïtiennes et d’autres parties prenantes concernées pour élaborer une législation sur la maîtrise des armements conforme aux normes internationales est encourageante à cet égard.
En outre, l’A3 + 1 demande instamment le renforcement des institutions et des mécanismes de renforcement des capacités pour remédier aux lacunes institutionnelles. Nous reconnaissons les avancées marginales au sein de la Police nationale haïtienne (PNH), ainsi que dans les secteurs de la justice et de la correction. Nous regrettons cependant que l’État haïtien ait dû réduire sa contribution au budget national pour la PNH pour faire face au COVID-19. La PNH, avec les institutions judiciaires compétentes, a un rôle fondamental à jouer pour que l’État s’acquitte de ses obligations de protéger ses citoyens et de faire prévaloir la transparence et l’État de droit.
Troisièmement, l’aggravation de la situation humanitaire demeure très préoccupante, en particulier l’insécurité alimentaire croissante, les prisons surpeuplées et les difficultés rencontrées par ces personnes les plus vulnérables.
Dans le sillage de la pandémie et de la crise socio-économique qui a suivi, il demeure crucial que la communauté internationale redouble d’efforts pour aider les autorités haïtiennes à répondre à la crise. Nous louons l’esprit d’unité et de solidarité manifesté par les Haïtiens dans leur réponse initiale à la pandémie. Nous apprécions également tous les efforts déployés pour aider Haïti dans ses efforts nationaux de réponse humanitaire, notamment par le biais de la CARICOM, de l’OPS, du PAM, de l’OIM et des Nations Unies. Nous reconnaissons également les efforts déployés par le gouvernement d’Haïti pour atteindre certains des critères de référence et encourageons de nouveaux progrès dans ces domaines importants.
En outre, nous nous félicitons des informations selon lesquelles certaines institutions financières internationales suspendraient la dette d’Haïti afin que le pays puisse répondre de manière adéquate à la pandémie de COVID-19 et nous appelons les partenaires d’Haïti à envisager de remettre la dette. Haïti n’a pas seulement besoin d’un allégement de sa dette, mais aussi de subventions pour faire face à une situation économique déjà sombre, comme prévu par le FMI, qui comprend des réductions des envois de fonds, des exportations de textiles et des investissements directs étrangers. Nous nous félicitons de l’engagement continu du Groupe consultatif ad hoc de l’ECOSOC sur Haïti (AHAG), qui soutient la stratégie de développement à long terme du pays. En ce moment critique, nous demandons instamment une plus grande collaboration entre l’ECOSOC et le Conseil de sécurité pour favoriser les complémentarités entre l’engagement du système des Nations Unies dans le pays afin de s’attaquer de manière globale aux causes profondes de l’insécurité en Haïti.
Excellences,
Haïti reste un pilier fondamental de notre civilisation africaine et caribéenne avec une histoire glorieuse mais complexe. Sa bataille apparemment sans fin pour créer la sécurité et la stabilité de son peuple nous afflige, en particulier compte tenu du rôle de chef de file de cette nation pour ouvrir la voie à l’abolition de l’esclavage. En tant que première nation noire à se révolter contre l’esclavage et l’oppression dans l’hémisphère occidental – Haïti a payé un prix exorbitant – pour sa liberté. Nous ne pouvons pas abandonner Haïti et devons être solidaires avec nos frères et sœurs haïtiens.
Pour terminer, l’A3 + 1 réaffirme que le développement durable d’Haïti ne restera qu’une illusion éphémère à poursuivre et à ne jamais atteindre, si la genèse du sous-développement d’Haïti n’est pas abordée, et cela doit commencer par une restitution adéquate.
Je vous remercie.