
DECLARATION DE M. AOUGUI NIANDOU REPRÉSENTANT PERMANENT ADJOINT DU NIGER AUPRES DES NATIONS UNIES AU DEBAT PUBLIC DU CONSEIL DE SECURITE DE L’ONU SUR LES VIOLENCES SEXUELLES LIEES AUX CONFLITS
Mesdames et Messieurs,
Nous remercions les intervenants dont les présentations nous interpellent sur une des conséquences les plus atroces des conflits.
De milliers de personnes souffrent de violences sexuelles inhumaines en temps de conflit, commises comme stratégie de guerre, de répression politique, de torture et de terreur. Et le rapport du Secrétaire General des Nations Unies sur la question vient confirmer les conséquences désastreuses de la pandémie de la COVID19 sur l’incidence des violences sexuelles liées aux conflits notamment l’accès réduit à la justice et aux services de prise en charge, la fragilisation du système de contrôle et de surveillance, et également la réduction des ressources financières allouées.
L’un des moyens les plus efficaces de lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits est la prévention, notamment l’accès à une éducation de qualité. Les attaques contre l’éducation et les écoles deviennent de plus en plus préoccupantes. Nous devons protéger l’accès à l’éducation, en particulier pour les filles qui, dans les pays touchés par les conflits, ont deux fois moins de chance d’être scolarisées que celles vivant dans les pays en paix. Elles sont également plus susceptibles de subir des violences sexuelles et sexistes sur le chemin de l’école.
La Déclaration Présidentielle sur les attaques contre les écoles, adoptée par le Conseil, en septembre dernier, sous la Présidence du Niger, rappelle la nécessité de la prise en compte du risque accrue de violences sexuelles contre les filles privées d’accès à l’éducation, y compris celles en déplacement forcé et vivant dans les zones enlisées dans des violences localisées – notant, par ailleurs, que les enfants touchés par un handicap sont particulièrement vulnérables.
Nous voudrions attirer l’attention du Conseil et des États membres sur la situation de vulnérabilité accrue à laquelle sont confrontées les femmes et les filles qui subissent les effets croisés des conflits, des déplacements forcés, parfois exacerbées par les effets du changement climatique, et la précarité économique qui poussent certaines à la migration.
A cet égard, le Niger réitère ses inquiétudes quant aux conditions de vie des migrants et des réfugiés interceptés en mer, débarqués, en terre libyenne, où les femmes migrantes, dans des centres de détention, surpeuplés, font face à de violations de toute sorte. Au vu de cette situation, il est nécessaire de revoir la politique de débarquement, en terre libyenne, des migrants et des réfugiés interceptés en mer.

Monsieur le Président,
Depuis quelques années, les pays du Sahel font face à une crise sécuritaire, aggravée par plusieurs facteurs tels que la présence de groupes armés terroristes, la prolifération d’armes légères, l’insuffisance d’opportunités socio-économiques, et les tensions intercommunautaires, entre autres.
Les situations d’urgence, les crises humanitaires liées aux catastrophes naturelles et les déplacements de populations qui en découlent aggravent la vulnérabilité des femmes et des filles. Il a été constaté, dans la région du Bassin du Lac Tchad, que des groupes terroristes, tels que Boko Haram, procèdent à des enlèvements de filles et de femmes pour ensuite les intégrer, de force, dans les rangs des prisonniers de guerre et les utiliser comme esclaves sexuelles ou comme bombes humaines.
C’était le cas le 14 avril 2014, soit exactement sept (7) ans, que Boko Haram a procédé à l’enlèvement massif de 276 filles à Chibok, dont beaucoup à jamais enlevées à leur famille, privées de cette quête du savoir qui les animaient, et soumises à des violences inimaginables. Dans un contexte marqué par l’insécurité, ce type d’incidents graves a des conséquences sur la scolarisation des filles, avec un risque accru de déscolarisation qui les rend plus vulnérables au mariage précoce et forcé, aux grossesses précoces et autres violences basées sur le genre.
Conscient de la nécessité d’une prise en charge holistique des survivantes et rescapés des violences sexuelles dans les zones les plus touchées par la crise sécuritaire, le Niger a créé des centres spécialisés pour la prise en charge dont un centre de transit et d’orientation avec des programmes de démobilisation et de réintégration, adaptés aux enfants rescapés des groupes armés.
Monsieur le Président,
Ma délégation soutient fermement que les États membres tout comme le système des Nations unies doivent servir d’exemple dans la réponse aux questions de violences sexuelles liées aux conflits.
Récemment, suite aux allégations de violations sur trois femmes concernant des soldats déployés dans la zone des trois frontières, les autorités des pays concernés ont réagi promptement et ont fait mener des enquêtes fiables et rapides, concomitamment avec la Commission Nationale des Droits Humains et une mission conduite par le Commandant du Fuseau Centre de la Force G5 Sahel, dès que ces faits ont été portés à leur connaissance.
Tout en rappelant que ces cas sont isolés, nous nous félicitons des mesures immédiates prises pour assurer les investigations, la protection des civils, la prise en charge des victimes, mais aussi l’application de mesures et sanctions disciplinaires à l’endroit des soldats incriminés. Cette collaboration tripartite, ayant mobilisé la société civile, les communautés, les États, et les services judiciaires, pourrait servir d’exemples dans la mise en œuvre d’un système de réponse rapide dans plusieurs autres situations où, parfois, les allégations de violences sexuelles restent sans suite.
La culture d’impunité sur les violences sexuelles, y compris à l’échelle du Système des Nations unies, notamment dans les zones touchées par les conflits, et ce quels que soient les auteurs, doit cesser. Il y va de la crédibilité des missions et des valeurs fondamentales que nous défendons. Ceci est également une question de justice.
Nous félicitions, à cet égard, l’engagement des hauts responsables de l’ONU sur les questions relatives aux droits des victimes et au changement de la culture institutionnelle, avec une tolérance zéro aux violences sexuelles.
Monsieur le Président,
Ma délégation voudrait émettre les recommandations additionnelles suivantes :
- 1. l’adoption par les États membres d’une approche axée sur les personnes rescapées, conformément à la résolution 2467 (2019), avec la mise en place ou le renforcement de l’assistance juridique et judiciaire, en plus des dimensions sanitaire, psychologique, sociale et économique
- 2. assurer une présence adéquate de spécialistes de protection de l’enfance en plus du déploiement des conseillers en genre. De ce fait, l’approche, axée sur les survivantes et les personnes rescapées, doit être non seulement pluri partenaire mais aussi pluridisciplinaire, avec des services accessibles et de qualité, prenant en compte les réalités sexo-spécifiques et la manière dont les crises multiples amplifient les vulnérabilités de certains groupes.
- 3. la mise en œuvre de programmes efficaces à travers des données fiables et désagrégées. A cet effet, il faudrait renforcer le système de collecte de données avec les autorités locales et rôle de la société civile, notamment les organisations locales de défenses des droits humains.
Pour conclure, Nous devons briser le cycle de la double victimisation des rescapés, le silence, le tabou et la stigmatisation sociale. Et cela ne peut se faire sans actions de proximité dans les communautés.
Nous devons collectivement nous attaquer aux causes profondes des violences sexuelles, parmi lesquelles la discrimination sexiste, le manque d’opportunités économiques, et les masculinités toxiques. L’accès à l’éducation de qualité, notamment dans les zones touchées par les conflits, demeure crucial.
Nous devons nous servir de la crise actuelle pour aller vers une nouvelle ère, plus juste, plus égalitaire, et où les violences sexuelles liées aux conflits seraient complètement éradiquées.
Je vous remercie pour votre attention.