Déclaration de M. Abdou Abarry  Représentant Permanent de la République du Niger auprès des Nations Unies au débat de Haut Niveau du Conseil de Sécurité Sur le thème : Protection de l’Espace Humanitaire

Déclaration de M. Abdou Abarry Représentant Permanent de la République du Niger auprès des Nations Unies au débat de Haut Niveau du Conseil de Sécurité Sur le thème : Protection de l’Espace Humanitaire

Monsieur le Président,

Excellences, Mesdames et Messieurs les Ministres,

Permettez-moi tout d’abord de saluer la France pour l’organisation du présent débat sur la protection de l’espace humanitaire, gage de son engagement à maintenir, à travers la tenue de cette réunion opportune, la question du respect du droit international humanitaire à l’agenda du Conseil.

Je voudrais également remercier Monsieur Robert Mardini, et Madame Lucile Grosjean, pour leurs présentations et ferme engagement, sur cette question d’importance.  

Nous rendons hommage et saluons le courage et l’altruisme des acteurs humanitaires, qui travaillent dans les zones de conflit et autres environnement fragiles pour venir en aide à des populations vulnérables en détresse, parfois au prix de leur vie. A tout juste un mois de la célébration de la journée mondiale de l’aide humanitaire le 19 Aout prochain, comme cela a été institué à travers la Résolution A/RES/63/139 (2008) de l’Assemblée Générale des Nations Unies, il est grand temps que tous les États renouvellent leur engagement en faveur de la protection de ces héros, qui se sont encore distingués dans la terrible combat contre la pandémie de la COVID-19. 

Dans la région du Sahel ou des groupes terroristes et autres criminels s’attaquent à des paisibles citoyens, dont des réfugiés, ils s’attaquent aussi hélas, aux acteurs humanitaires qui viennent en aide à ces populations. Nous gardons toujours en mémoire, l’attaque tragique du 9 Aout 2020 qui a coûté la vie à 6 humanitaires français et de leur chauffeur et leur guide nigériens, dans la réserve naturelle de Kouré, au Niger.

C’est le lieu ici de rendre un vibrant hommage au Secrétaire Général pour son plaidoyer constant en faveur de la protection du ce personnel si précieux et si indispensable.

Monsieur le Président,

Ces dernières années ont vu malheureusement, une augmentation dans le nombre d’attaques majeures contre les travailleurs humanitaires dans tous les theâtres où le devoir les appelle. Cette violence à l’encontre de ces organisations met non seulement en danger la vie de ce personnel mais perturbe également l’acheminement de l’aide, pourtant vitale pour les populations exposées à des risques divers.

Ces attaques, conjuguées avec la nature changeante et les conflits de types nouveaux, auxquels notre monde est confronté, doivent obliger nos États à réévaluer leur rôle et à réfléchir à de nouvelles façons d’assurer la protection, la sûreté et la sécurité des travailleurs humanitaires, y celles du personnel médical.

À cet égard, permettez-moi Monsieur le Président, de faire quelques recommandations susceptibles de renforcer la protection de l’espace humanitaire.  

En premier lieu. Il est crucial de dépolitiser le débat autour de l’espace humanitaire, même si comme l’a dit un auteur célèbre « l’humanitaire c’est la continuation de la politique par d’autres moyens ». L’aide humanitaire ne doit pas, en effet, servir d’instrument à des États pour atteindre des objectifs de politique étrangères, tout comme elle ne peut être délibérément politisée par certains acteurs humanitaires, en réponse aux difficultés auxquelles ils sont confrontés sur le terrain. Pour être efficace l’action humanitaire doit être frappé du sceau d’impartialité, d’indépendance et de neutralité, sans lequel il perd la confiance des parties au conflit.

En deuxième lieu, nous encourageons les parties prenantes à respecter le Droit Humanitaire International afin de créer les conditions nécessaires, pour permettre aux travailleurs humanitaires de s’acquitter de leur tâche de manière efficace, et cela en toute quiétude et en toute ssécurité. Il est tout aussi important pour tous les États d’élever la question de la protection du personnel humanitaires au niveau de politique nationale. Cela permettra aux travailleurs humanitaires, en particulier les nationaux, qui ont une meilleure connaissance et compréhension des contextes, d’avoir accès aux populations et aux forces de sécurité, ces dernières devant leur fournir de manière adéquate, la protection nécessaire, puisque l’élément de protection fera alors partie d’un engagement systémique obligatoire du pays.

À cet égard, nous encourageons les acteurs humanitaires à collaborer avec les différents acteurs sécuritaires, sur la base de manuels et programmes d’études, sur les normes professionnelles de protection des travailleurs humanitaires. Nous devons promouvoir la complémentarité entre les acteurs de la protection et les travailleurs humanitaires. Ceci est particulièrement important au Sahel, où la présence de multiples acteurs militaires, avec des mandats pas forcément harmonisés, peut parfois entraver la réponse humanitaire. 

Monsieur le Président, ma dernière recommandation serait de se pencher davantage sur la question très controversée de l’impact des sanctions unilatérales, sur l’aide humanitaire, pour que les activités exclusivement humanitaires, menées par des organisations impartiales, et conformément au DIH, soient exclues du champ d’application de ces sanctions.

Je voudrais, pour conclure mon propos, vous inviter à réfléchir sur la citation de Pierre Curie, qui a dit « c’est parce que nous n’avons pas organisé le monde sous l’inspiration d’un véritable humanisme que nous avons recours à l’humanitaire comme palliatif à cette grande défaillance ».

Je vous remercie.