d’Allocution de Son Excellence Monsieur Mohamed Bazoum, Président de la République, Chef de l’Etat, Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies : Débat de Haut-niveau sur le thème « la Paix et la Sécurité Internationales à l’épreuve du terrorisme et du Changement Climatique »

d’Allocution de Son Excellence Monsieur Mohamed Bazoum, Président de la République, Chef de l’Etat, Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies : Débat de Haut-niveau sur le thème « la Paix et la Sécurité Internationales à l’épreuve du terrorisme et du Changement Climatique »

Monsieur le Président de l’Estonie, cher collègue,

Monsieur le Secrétaire Général,

Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine,

Monsieur le Secrétaire Exécutif de la Commission du Bassin

du Lac Tchad,

Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil,

Je voudrais vous remercier très sincèrement, pour avoir accepté de participer à ce débat qui marque un moment fort de la présidence du Conseil de Sécurité par mon pays, le Niger, pour ce mois de décembre.

Si j’ai tenu à venir personnellement devant vous, membres du Conseil de sécurité, c’est pour vous apporter le message de paix et de solidarité mais aussi d’espoir que le peuple nigérien formule à l’endroit de tous les peuples du monde qui font face aux crises qui sont à l’agenda de vos travaux.

C’est aussi pour vous apporter le message de cette Afrique dont les crises occupent la majeure partie de vos délibérations et où se joue, malgré tout, l’avenir du monde.

Je suis enfin venu vous porter le message de gratitude de mon pays, le Niger, pour la qualité des relations qu’il a eues avec tous les pays que vous représentez ici, durant les deux ans de notre mandat au Conseil.

Depuis mon investiture à la magistrature suprême de mon pays, le 2 Avril dernier, à l’issue d’une élection qui a consacré, la première alternance démocratique au Niger, mon engagement en faveur de la paix et de la sécurité pour mon pays, pour la région du Sahel et pour notre continent n’a eu d’égale que mon ambition de voir l’Afrique surmonter ses défis actuels et s’atteler à mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre des Agenda 2063 de l’Union africaine et l’Agenda 2030 des Nations Unies.

Au Sahel, ma région, ces défis sont comme vous le savez, la lutte contre le terrorisme dont les actes odieux sapent au quotidien, les fondements des Etats démocratiques.

Au nombre de ces défis figure également l’impact du changement climatique qui, en réduisant les ressources accessibles, accroît la pauvreté et tous les fléaux qui vont avec.

C’est vous dire, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil, que le choix du thème de notre débat d’aujourd’hui est l’expression de notre volonté de voir le Conseil établir le nexus évident, entre la paix et la sécurité internationales d’une part, et la lutte contre le terrorisme et les effets du changement climatique, d’autre part.

Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil,

En décidant d’organiser ce débat sur le thème : la paix et la sécurité internationales à l’épreuve du terrorisme et du changement climatique, le Niger souhaite vous engager à poursuivre la réflexion et à prendre les initiatives idoines dans la recherche de solutions durables aux menaces à la paix et la sécurité internationales et leurs interactions avec les effets du changement climatique.

Il me semble impérieux qu’au lendemain de la COP26, le Conseil capitalise les différents consensus obtenus afin d’encourager les stratégies visant à atténuer les effets du changement climatique, conformément à son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil,

Je rappelai récemment à Dakar, lors du forum sur la paix et la sécurité en Afrique, que plus que toute autre région du monde, le sahel et le bassin du Lac Tchad illustrent, de manière éloquente, l’interaction entre les effets du changement climatique et la paix et la sécurité.

Les conséquences de ce phénomène dont on n’a pas encore fini de mesurer toute l’ampleur, ont entrainé la désintégration du tissu social et le vivre ensemble des populations, poussées dans une compétition effrénée pour l’accès aux ressources, qui hélas, se raréfient de façon drastique.

Cette situation se traduit assez souvent par des conflits intercommunautaires aux conséquences tragiques, une migration accrue avec son lot de réfugiés et de déplacés internes, condamnés à vivre dans des camps de fortune.

Plus inquiétant encore, cette situation a contribué à alimenter l’extrémisme violent et un banditisme à grande échelle, entrainant dans les réseaux des organisations criminelles et terroristes plusieurs jeunes, vivant jadis, des richesses de la biodiversité desdites régions. 

Le surarmement des organisations terroristes, leur violence contre les populations civiles, la rapine dont elles se rendent coupables ont créé une véritable psychose au sein des populations directement affectés ainsi qu’au sein de l’opinion générale. Une telle atmosphère, porte un grand préjudice aux Etats en menaçant dangereusement leur stabilité. Elle provoque un réel discrédit à l’encontre de la Communauté internationale soupçonnée d’impuissance délibérée et favorise les thèses les plus hallucinées quant au fondement de cette réalité ouvrant la voie à des surenchères politiques dangereuses.

Malgré tout, nous restons mobilisés et déterminés. Le Niger, en ce qui le concerne, est en train d’accroitre les capacités de ses Forces de Défense et de Sécurité et la situation militaire évolue dans le sens d’un rapport de force de plus en plus favorable. C’est cela qui explique le nouveau mode d’action des Groupes armés terroristes consistant dans le recours à une violence cruelle contre les populations civiles.

Je voudrais à ce stade de mon propos adresser nos sentiments de gratitude à tous les partenaires dont le précieux soutien et l’engagement à nos côtés contribuent à l’amélioration de nos performances.

Pour atteindre nos objectifs de victoire sur le terrorisme au Sahel, nous avons besoin d’un soutien encore plus accru de la communauté internationale, en termes de financements conséquents, de fournitures de matériels et équipements ainsi que de renseignements. Si la mise en place d’un Bureau de soutien au G5 Sahel, financé par les ressources du budget des Nations Unies, ne rencontrait pas l’assentiment de tous les Etats membres du Conseil, nous sommes disposés à travailler sur toute initiative de substitution qui aidera les pays du Sahel à prendre en charge de manière adéquate les besoins que j’ai exprimés plus haut.

Par ailleurs, la paix et la sécurité au Sahel sont tributaires des dynamiques régionales, notamment en Libye, ce pays frère, confronté à une dizaine d’années de conflit.

C’est en effet de ce pays que tout est parti depuis la résolution 1973 du Conseil de sécurité. C’est en grande partie de ce pays que viennent, aujourd’hui encore les armes qui alimentent la violence au Sahel.

La normalisation de la situation dans ce pays qui passe par l’organisation d’élections démocratiques, contribuera à n’en pas douter à la paix et à la sécurité dans les pays voisins et la région du Sahel. C’est dire que l’échéance du 24 décembre prochain est cruciale et mon pays fonde l’espoir que l’élection présidentielle prévue à cette date se passe dans de bonnes conditions et y ouvre la voie à une dynamique de paix et de stabilité.

De même, l’aboutissement du processus de transition au Mali, cet autre pays frère, à travers l’organisation rapide d’élections inclusives, à la suite desquelles le pays sera doté d’autorités démocratiquement élues, permettra de renforcer la capacité de la région à combattre plus efficacement les groupes terroristes.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Les dynamiques dans les régions du Sahel et du Bassin du Lac Tchad, en plus des exigences de lutte contre le terrorisme, sont rendues complexes par les effets du changement climatique.

En effet, la recrudescence des événements météorologiques extrêmes dont la montée des températures, les graves incendies et inondations, la montée du niveau des océans, ou la fonte des glaciers, dans d’autres régions du monde, comme cela apparait dans les conclusions du rapport 2021 du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), ne doivent pas nous laisser indifférents, car il s’agit là, de questions qui détermineront l’avenir de l’humanité.

Plutôt nous nous engageons dans la lutte contre ces fléaux, moins coûteux et plus efficace sera la solution, qui demeure encore à notre portée.

Il est évident que les effets du dérèglement du climat, se manifestent et se font sentir de manière spécifique dans les différentes régions de la planète. Dans la région du Sahel, la situation relève, depuis longtemps déjà, du vécu quotidien des populations et sape les efforts de développement que nos pays déploient dans un contexte rendu encore plus difficile par la pandémie de la COVID-19.

Il est dès lors impératif pour la communauté internationale, de respecter les engagements pris, pour le financement de politiques d’adaptation et de mitigation, en particulier pour les pays les plus vulnérables, victimes collatérales des activités et des excès qui ont conduit à la dégradation du climat. La mise en place d’un fonds spécial pour soutenir les pays sahéliens en proie à la désertification et les petits Etats insulaires qui sont littéralement menacés par la montée des océans, relève d’une urgente nécessité.

Il faudrait en particulier, pour la région du Sahel, agir de façon effective pour donner suite aux conclusions et recommandations des différentes tables rondes et autres foras qui ont été initiés pour changer radicalement les tendances lourdes observables dans la région. A cet effet, le Programme d’Investissements Prioritaire du G5 Sahel et le Plan de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique, adopté par la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), méritent une attention toute particulière.

Le Niger, en sa qualité de Président de la Commission climat pour la région du sahel, travaille activement à la mise en œuvre effective des différentes recommandations et arrangements qui ont été convenus, de manière concertée par la communauté internationale.

Je tiens à réaffirmer ainsi, l’attachement du Niger au Consensus issu de l’Accord de Paris suite à la COP 21, qui bénéficie de l’engagement de l’écrasante majorité de la communauté internationale.

La récente conférence de la COP26 qui vient de se tenir à Glasgow, a été une autre occasion pour la communauté internationale de réitérer son engagement résolu à faire face aux défis du changement climatique.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Parallèlement à ces efforts, il est grand temps pour le conseil, dans le cadre de son mandat de prévention, de prendre en compte les risques sécuritaires liés au changement climatique, en tant qu’élément supplémentaire, de notre architecture de paix et de sécurité.

Nous nourrissons l’espoir de voir le Conseil de sécurité, adopter la résolution proposée par le Niger et l’Irlande, pour enfin doter notre organe d’une approche intégrée et coordonnée, en vue d’un renforcement de sa capacité à comprendre l’impact du changement climatique, sur la base d’une analyse approfondie des risques actuels et futurs, de façon à formuler des recommandations pertinentes orientées vers l’action.

Une fois adoptée, cette résolution pourra, j’en suis convaincu, contribuer de façon efficace, à la prise en compte des risques climatiques dans les opérations existantes de maintien et de consolidation de la paix ainsi que dans le travail de médiation et de prévention des conflits.

Je vous remercie.