Remarques de M. Abdou Abarry Représentant permanent du Niger auprès des Nations unies au débat de haut niveau sur les pandémies et les défis du maintien de la paix

Remarques de M. Abdou Abarry Représentant permanent du Niger auprès des Nations unies au débat de haut niveau sur les pandémies et les défis du maintien de la paix

Je vous remercie, Madame la Présidente,

Ma délégation voudrait vous souhaiter la bienvenue et remercier l’Indonésie d’avoir rendu ce débat possible. Cette réunion vient à point nommé, car elle fait suite à plusieurs discussions du Conseil de Sécurité et de la Commission de consolidation de la paix sur la pandémie, et au dernier Dialogue interactif informel que le Niger a co-organisé avec l’Indonésie, aux côtés de l’Allemagne.

Mais tout d’abord, permettez-moi de prendre un moment pour saluer le Secrétaire général, dont l’appel à un cessez-le-feu et à la solidarité à l’échelle mondiale a été le catalyseur de l’adoption de la résolution 2532.  Je voudrais également remercier M. Ban Ki-Moon et Mme Sarah Cliffe pour leurs exposés approfondis et perspicaces.

Madame la Présidente,

Malheureusement, sur le terrain, l’appel au cessez-le-feu lancé par le secrétaire général n’est généralement pas entendu par les parties belligérantes. Comme l’ont montré les récentes attaques de Boko Haram et de l’ISWAP dans le bassin du lac Tchad et au Sahel, les extrémistes violents tentent de profiter de la pandémie, de déstabiliser les gouvernements, en multipliant leurs attaques sur des cibles civiles et militaires. Cette tendance a été corroborée par le Représentant spécial du Secrétaire général, Mohamed Ibn Chambas, lors de son exposé sur l’impact du Covid 19 à la Commission de consolidation de la paix en avril dernier. Ces actes ont causé la perte de vies innocentes et des perturbations majeures dans la fourniture de services sociaux de base à la population.

En plus d’être à la fois une crise de santé publique et une crise humaine, la pandémie affecte sérieusement l’économie de pays déjà fragiles comme ceux du G5 Sahel. On estime que le produit intérieur brut de ces pays pourrait se contracter de 7 à 8 % en 2020 pour certains pays. En juin, l’impact économique négatif, au Niger, avait déjà atteint trois cent trente-neuf millions de dollars (339 $) de pertes de recettes douanières et non fiscales, bien plus que le budget annuel de la défense de mon pays.

Madame la Présidente,

En termes d’impact sur le terrain, les opérations de paix sont fortement affectées, par le gel des rotations et le risque de propagation de la maladie, parmi les troupes et la population qu’elles protègent. Je voudrais profiter de ce moment, une fois de plus, pour féliciter les Nations Unies, la MINUSMA et l’UNOWAS pour avoir mis en place des mesures strictes et efficaces, visant à minimiser et à atténuer l’impact de la pandémie, au Sahel. Même si les missions de paix, spéciales et politiques des Nations Unies sont elles-mêmes fortement affectées dans leurs opérations, la crise actuelle offre des opportunités d’adaptation et de réorientation, et même de transformation des réponses des missions des Nations Unies afin que personne ne soit laissé pour compte et que les acquis durement acquis dans le processus de paix soient dûment maintenus.

Cela commence, avant tout, par la garantie d’un niveau de financement adéquat pour les missions de maintien de la paix, maintenu à son niveau actuel, et si possible renforcé, car la pandémie va encore aggraver la crise dans certaines régions du monde. Cela permettra de déployer les effectifs adéquats et de poursuivre les activités essentielles. Le financement devrait également permettre de fournir à ces pays le soutien adéquat nécessaire au niveau multilatéral afin de préserver les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable.

En outre, l’ampleur des répercussions de la pandémie actuelle sur les économies des pays conduira très probablement à une récession mondiale pour l’année prochaine et au-delà. Il est donc impératif que, outre les mécanismes de financement traditionnels, nous encouragions des moyens innovants en réduisant la fragmentation des activités de consolidation de la paix et en intégrant de nouveaux outils dans les approches actuelles. Nous devrions soutenir les approches de financement qui mettent en avant les priorités propres à chaque pays et permettent à ces pays de développer des mécanismes de financement innovants cultivés localement.
Madame la Présidente,

En ce qui concerne l’adaptation, cette crise nous a montré qu’à l’avenir, une participation significative des communautés, y compris des femmes, des jeunes et des personnes handicapées, des chefs traditionnels, religieux et civiques est nécessaire. Dans des moments comme celui-ci, ils peuvent être le relais des opérations de maintien de la paix, car non seulement ils ont une connaissance de première main des coutumes et traditions locales, mais ils disposent également du réseau nécessaire et de la confiance de la population locale. Nous devons donc nous efforcer de leur fournir les outils nécessaires en matière de renforcement des capacités, de technologie et de tutorat afin de garantir que les efforts de consolidation de la paix se poursuivent quelles que soient les situations.
Pour conclure, Madame la Présidente,

Alors que nous célébrons le 75e anniversaire de la fondation des Nations unies, et compte tenu de la nature non traditionnelle de cette pandémie, qui constitue une menace pour la paix et la sécurité, sortir des sentiers battus et transformer notre approche du maintien de la paix pourrait donner des résultats positifs. Les moteurs des conflits d’aujourd’hui sont différents de ce qu’ils étaient en 1945 et impliquent des acteurs socio-économiques, environnementaux, sanitaires, transnationaux et technologiques. Il est donc nécessaire d’adapter et de transformer les opérations de paix pour prévenir et atténuer les conflits de demain.
Je vous remercie