
L’Afrique de l’Ouest au bord du précipice : Visualiser le stress et l’insécurité climatiques
Le changement climatique est une menace qui multiplie les troubles et les conflits sociaux. L’augmentation des températures, les phénomènes météorologiques extrêmes et les changements dans les écosystèmes locaux exacerbent les risques sociaux et économiques sous-jacents et mettent en danger la sécurité humaine. Il est de plus en plus évident que la multiplication des sécheresses, des inondations et de l’élévation du niveau de la mer accroît les besoins humanitaires des populations touchées, en particulier les plus vulnérables, y compris celles qui vivent dans des situations de conflit armé. Dans un monde en réchauffement, les risques de sécurité liés au climat et à l’environnement doivent être de plus en plus intégrés dans les activités de prévention des conflits, de médiation, de consolidation de la paix et de reconstruction sur le terrain. Les mesures d’adaptation doivent tenir compte à la fois du climat et des conflits pour garantir la résilience des populations.
Organisée par les missions permanentes de l’Allemagne, du Niger et de la Suisse, avec le soutien du CICR et de l’Institut Igarapé, la participation de grandes personnalités, la visualisation des rapports sur le stress et l’insécurité climatique a pour objet d’explorer la sécurité liée au climat en Afrique de l’ouest, l’une des régions les plus vulnérables en matière de réchauffement climatique.
Bien qu’il soit difficile de prévoir avec précision les effets du changement climatique en Afrique de l’Ouest, les modèles existants indiquent que l’augmentation des températures régionales dépassera la moyenne mondiale. En se concentrant sur les points chauds actuels et futurs où les changements des conditions climatiques et les événements extrêmes sont particulièrement aigus, l’événement cherche à examiner comment cela pourrait exacerber l’insécurité alimentaire et les modèles de mobilité et, en fin de compte, le déclenchement, la durée et l’intensité de la violence.

En effet, un nombre croissant d’États membres du Conseil de sécurité des Nations unies reconnaissent l’importance du changement climatique pour la paix et la sécurité. Des débats spécifiques à chaque pays incluent de plus en plus souvent le thème du changement climatique et des débats ouverts sur le climat et la sécurité sont organisés au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. L’événement actuel complète les échanges en cours au sein du Groupe des amis sur le climat et la sécurité, coprésidé par l’Allemagne et Nauru, ainsi qu’au sein du Groupe d’experts informel des membres du Conseil de sécurité sur le climat et la sécurité, actuellement coprésidé par le Niger et l’Irlande. Il se déroule à point nommé, quelques jours seulement avant le débat ouvert sur le climat et la sécurité qui se tiendra au Conseil de sécurité des Nations unies le 23 février 2021. L’événement inclura activement les contributions des RP et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et encouragera un échange ouvert d’idées.
Il faut noter les discours de bienvenue de S.E. l’Ambassadeur Pascale Baeriswyl, Représentant permanent de la Suisse auprès des Nations Unies et S.E. l’Ambassadeur Christoph Heusgen, Représentant permanent de l’Allemagne auprès des Nations Unies.

Mme Laetitia Courtois, Observateur permanent et chef de délégation de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge auprès des Nations unies (CICR) a abordé les vulnérabilités climatiques et environnementales dans les situations de conflit et de fragilité ; Dr. Robert Muggah, co-fondateur d’Igarapé a pour sa part présenté les principaux résultats de la visualisation des données et du rapport « West Africa at the precipice : visualizing climate stress and insecurity » , avant que S.E. l’Ambassadeur Abdou Abarry, Représentant permanent du Niger auprès des Nations unies ne se penche sur l’Aperçu des aspects régionaux du changement climatique et de la sécurité en Afrique de l’Ouest .
Pour le diplomate nigérien, « la réunion d’aujourd’hui fait suite à un travail abattu tout au long de l’année sur cet ordre du jour au niveau du Conseil de sécurité où l’Allemagne et le Niger ont, avec d’autres pays partageant les mêmes points, créé une GEI et nous donne une nouvelle occasion d’explorer le lien entre le changement climatique et la sécurité en Afrique de l’Ouest, l’une des régions les plus vulnérables au réchauffement de la planète.
Ce faisant, étant entendu que le lien entre le climat et la sécurité a des implications importantes, la manière dont la question est encadrée et traitée, au niveau politique, doit faire l’objet d’une attention particulière ».
Se penchant particulièrement sur le cas de l’Afrique de l’Ouest, SE Abdou Abarry indique que cette région « se présente comme un exemple illustratif de ce lien entre le climat et la sécurité avec le changement climatique qui entrave les efforts de consolidation de la paix et de développement s’agissant de la paix et la sécurité, la gouvernance et le développement socio-économique.
Même si ce lien est de nature différente selon les régions du monde, selon l’étude d’Igarape, il existe un cheminement multi causal, reliant les impacts climatiques, les facteurs de médiation et les résultats de la violence.
En termes de paix et de sécurité, le bassin du lac Tchad est souvent cité en exemple. Ce n’est pas tant le rétrécissement du lac qui alimente les conflits. En effet, l’année dernière, de fortes pluies ont fait éclater le fleuve Komadougou Yobé, qui traverse la région semi-désertique de Diffa pour se verser dans le lac Tchad pour inonder des villages, des champs et endommager les cultures ».
Pour y faire face, les pays du G5 Sahel consacrent 20 à 30 % de leur budget aux dépenses de défense et de sécurité. Il s’agit d’investissements qui ne vont pas dans le développement socio-économique sans oublier la pandémie COVID-19 qui affecte sérieusement les économies déjà fragiles des pays du G5 Sahel avec le risque d’une grave contraction du produit intérieur brut (PIB) qui pourrait baisser à 7 ou 8 % en 2020 pour certains pays.
Cela risque d’annuler les gains de développement de l’Agenda 2063 et du programme de développement durable de 2030 et de menacer les moyens de subsistance de millions de personnes.
Afin de maintenir la cohésion sociale entre populations, le Niger et la communauté internationale avaient mis des années pour résorber ces tensions ethniques. La gestion des terres a servi de prétexte aux groupes terroristes pour s’y introduire en élaborant une stratégie consistant à tuer et à harceler systématiquement chaque dirigeant ou élu local, à se substituer au gouvernement et à jouer le rôle de médiateur. Cette stratégie leur permettait de délégitimer les institutions et de remettre en cause la pertinence des opérations de paix de l’ONU pour les populations.
En conclusion, l’Ambassadeur Abdou Abarry a reconnu que « les conflits sont aujourd’hui la principale cause de famine dans le monde. Au Sahel et dans le bassin du lac Tchad, où une grande partie de la population vit de l’agriculture et où le changement climatique exacerbe déjà les tensions, une crise alimentaire aiguë a été précipitée par le conflit en cours et l’intensification des activités des insurgés. On prévoit que 3,5 millions de personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans le bassin du lac Tchad. À ce chiffre, on peut ajouter 3,3 millions de personnes supplémentaires ayant besoin d’une aide immédiate dans le Sahel central.
Les populations doivent fuir et laisser derrière elles leurs champs, leur bétail et leurs autres sources de nourriture. Cette situation aggrave l’insécurité alimentaire tant pour les personnes déplacées de force que pour les communautés d’accueil qui sont souvent les pourvoyeurs de derniers recours, malgré leurs ressources déjà limitées. Cela devient également un facteur de chômage, de pauvreté et accroît le besoin d’aide humanitaire, ce qui, à son tour, freine tout effort de développement à long terme car on est obligé de faire face à la crise immédiate.
C’est dans ce contexte que nous voyons l’importance des « études » telles que celles menées par l’Institut Igarape. Elles nous offrent un ensemble de données scientifiques basées sur des faits, que nous pouvons utiliser au niveau du Conseil de sécurité, pour améliorer le flux d’informations et d’analyses, en ce qui concerne les implications du changement climatique pour la paix et la sécurité dans des situations spécifiques aux pays aux régions.
C’est très important pour nous, en tant que membres élus du Conseil et pays les plus touchés par le changement climatique, d’en parler en s’appuyant sur un support scientifique pour illustrer le lien entre le changement climatique et la sécurité ».