
Déclaration de Son Excellence Monsieur Bazoum Mohamed Président de la République du Niger Événement de Haut Niveau Commémoration de la Journée Internationale pour la Protection de l’Éducation des Attaques
Son Altesse Royale Sheikha Moza Bint Nasser,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Madame la Directrice générale de l’UNESCO,
Madame la Directrice exécutive de l’UNICEF,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais à travers Son Altesse Royale féliciter vivement l’État du Qatar pour l’organisation de cet évènement d’envergure. Je salue également l’engagement de Monsieur Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies, de Madame Henrietta Fore et Madame Azoulay ainsi que de tous les acteurs présents, sur ce sujet si important de la protection de l’éducation contre les attaques.
Cette question est d’autant plus préoccupante dans les pays touchés par la violence et l’insécurité où plus de 75 millions d’enfants ont vu leur éducation perturbée par les conflits. Avec la pandémie de la COVID19, l’éducation a été interrompue pour la quasi-totalité des enfants et jeunes du monde.
Mon pays le Niger est résolument déterminé à renforcer la protection de l’éducation contre les attaques notamment dans la région du Sahel où le nombre d’écoles fermées du fait de la crise sécuritaire et des attaques contre les écoles perpétrées par les groupes terroristes a été multiplié par six depuis 2017, avec près de 5000 écoles fermées, perturbant l’éducation de plus de 700 000 enfants et privant plus de 20 000 enseignants de la possibilité d’exercer leur métier.
Les filles sont particulièrement vulnérables. Dans les pays touchés par un conflit, ces dernières ont deux fois moins de chances d’être scolarisées que celles vivant dans les pays en paix. Elles sont également plus à risque de ne pas continuer leur éducation avec la fermeture des écoles.
Je l’avais dit lors du débat annuel sur les enfants et les conflits armés, « Chaque école qui ferme est une porte d’opportunité qui se ferme ». Nous avons l’obligation de ré-ouvrir ces portes d’opportunités. Nous avons également la responsabilité d’assurer que l’éducation, qui est un droit humain et est le socle de la consolidation de la paix et d’un développement inclusif et durable, soit protégée.
Mesdames et Messieurs,
Le Niger a fait de la protection de l’éducation notamment dans les zones touchées par les conflits une priorité de notre mandat au Conseil de sécurité. Lors de notre présidence du Conseil, en septembre dernier, une Déclaration Présidentielle sur la protection des écoles contre les attaques, a été adoptée. Une jeune fille nigérienne de la région de Diffa qui s’est adressée au Conseil de sécurité à cette occasion nous a rappelé que, quand une école est attaquée et que les enfants sont obligés de fuir leurs villages, tous les systèmes s’effondrent injustement.
Devant cette situation alarmante de violations à l’encontre des enfants dans les conflits armés, il est indispensable de développer une réponse appropriée, contextuelle et soutenue.
Le Conseil de sécurité joue un rôle crucial dans le renforcement du cadre normatif international pour la protection de l’éducation et des écoles contre les attaques dans les zones touchées par les conflits. Ainsi, le Conseil est dans une position unique pour faciliter la mise en place de politique et de mécanismes de protection et de prévention plus efficaces à l’échelle mondiale.
C’est pour cela que nous soutenons que le moment est opportun pour l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité, la toute première qui se focaliserait principalement sur la protection des écoles dans les zones touchées par les conflits, l’insécurité et les crises humanitaires.
Cette résolution viendra insuffler un nouvel élan politique à la coopération internationale pour la protection de l’éducation et des écoles contre les attaques ainsi que pour la continuation de l’apprentissage dans les conflits armés.
Mesdames et Messieurs,
Le Niger appelle solennellement à des actions concrètes pour la protection de l’éducation. Si la pandémie actuelle a mis à rude épreuve notre capacité à pallier les graves violations que subissent les enfants en temps de conflits armés, elle nous rappelle également qu’un changement systémique à l’échelle mondiale, y compris dans nos efforts de protection de l’enfance, s’impose.
L’éducation est le maillon qui lie tous les autres objectifs du développement. Néanmoins, les effets combinés de la précarité économique accentuée par la pandémie de la COVID-19, des conflits, des risques sécuritaires liés au climat, et des crises humanitaires risquent d’inverser les progrès remarquables durement acquis.
La pandémie de la COVID19 a mis en évidence la nécessité de fermer le gouffre d’inégalité d’accès à l’éducation numérique et digitale entre les pays afin de faciliter, quel qu’en soit les circonstances, la continuation de l’apprentissage pour tous. Dans ce contexte, la mise en œuvre effective de la résolution 2565 du Conseil de sécurité afin de faciliter un accès équitable et abordable aux vaccins dans les situations de conflit armé, les situations post-conflit et les urgences humanitaires demeure cruciale.
En effet, au moment où plus de 70% des habitants de certains pays développés sont vaccinés, ce chiffre ne frôle guère le 2% pour les pays à faible revenu. L’on craint également, avec la suspension des campagnes de vaccinations, la résurgence de maladies pourtant évitables. Tant que les systèmes de santé demeureraient inégalitaires, le droit élémentaire d’accès à l’éducation est menacé.
La protection de l’éducation doit se faire de manière intersectorielle en se fondant sur les mécanismes régionaux et nationaux existants. Dans les zones touchées par les conflits armés et les crises humanitaires, des programmes d’appui à la réhabilitation et à la réinsertion, sensibles au genre, y compris le soutien à l’éducation et la formation pour les enfants et les jeunes rescapés des conflits armés sont indispensables.
Je souligne le besoin d’intégrer la prévention des attaques contre les écoles et la protection de l’éducation dans le processus de paix, et ce dès les premières étapes, afin de prévenir et de réduire, de manière significative, les violations contre les enfants et créer les conditions d’un apprentissage pour tous.
Nous sommes confrontés à l’impérieuse responsabilité de répondre aux défis actuels mais également de mettre en place des mesures résilientes permettant de préparer notre communauté mondiale à protéger davantage l’éducation dans un présent et futur, marqué par la menace des changements climatiques.
L’accroissement des déplacements forcés du fait du changement climatique est un risque immédiat pour l’accès à l’éducation. Tout en déployant des efforts pour renforcer la résilience et la justice climatique, il est, tout autant, primordial de mettre davantage l’accent sur l’éducation en situation de crises et d’urgence comme une priorité absolue. Selon des études, en 2021 seulement, plus de quatre (4) millions de filles dans les pays en développement ont dû interrompre leur scolarité du fait d’événements liés au climat. Ce chiffre pourrait atteindre 12 millions d’ici 2025.
Mesdames et Messieurs,
L’éducation est notre meilleure chance d’asseoir les bases d’une reprise post-pandémique résiliente et durable. Tous les acteurs ont un rôle dans le renforcement des mécanismes de financement pérenne et efficace.
Mon dernier point est un appel à une remobilisation de notre système multilatéral pour remettre davantage la question de la protection de l’éducation au cœur des priorités globales.
La protection de l’éducation est une responsabilité collective que nous n’avons pas le droit de trahir. Il s’agit d’une condition essentielle pour l’atteinte des objectifs de développement durable mais également pour asseoir la paix et la sécurité auxquelles aspire la communauté internationale.
Je vous remercie de votre attention.