
Déclaration de M. Aougui NIANDOU, Représentant permanent adjoint du Niger auprès des Nations unies Sur l’agenda: « FEMMES, PAIX & SECURITE »
Monsieur le Président,
Chacun aujourd’hui nous a rappelé, dans sa remarquable intervention, la nécessité de continuer à remettre en question le statu quo : Trop peu de femmes participent de manière significative aux processus de paix, et la plupart des femmes et des filles continuent d’être les premières victimes des conséquences des conflits dans le monde. Pour un pays comme le mien, dans une région en proie à de multiples crises, l’Agenda « Femmes Paix et Sécurité » n’est pas simplement un concept, il est fondamental pour maintenir la paix et prévenir les conflits.
Vingt (20) ans se sont écoulés depuis la Résolution 1325, et bien que des progrès aient été réalisés, il reste encore beaucoup à faire. Les femmes restent largement sous-représentées dans la prise de décision. Mon pays, le Niger, s’efforçant de changer cette tendance a augmenté le quota de femmes aux postes élus de 15 à 25 % et les nominations aux hauts postes de responsabilité de l’État de 25 à 30 %.
Ici, au Conseil de sécurité, nous devons également faire plus. Les consultations avec les organisations de la société civile sont importantes et doivent avoir un suivi approprié. Cinq ans après les revues de paix et sécurité en 2015, seule la moitié des recommandations émises dans l’Agenda « Femmes Paix Sécurité » ont progressé.
Il est donc clair qu’il faut un suivi plus systématique et une mise en œuvre plus effective de celles-ci. Le Niger reste déterminé à soutenir les femmes bâtisseuses de paix et dont nous considérons le rôle comme primordial dans notre travail. C’est pourquoi, au cours de sa présidence le mois dernier, le Niger a invité plusieurs membres de la société civile, dont quatre jeunes femmes, à faire un exposé au Conseil.
Monsieur le Président,
Le fossé entre notre ambition, nos engagements et la réalité ne peut être comblé que si nous soutenons de manière adéquate le travail essentiel des femmes bâtisseuses de paix. Il est regrettable que seulement 0,2 % de l’aide bilatérale totale pour les interventions dans les zones précaires et de conflit soit allé directement aux organisations de femmes. Il est donc nécessaire d’allouer davantage de fonds aux organisations de femmes qui œuvrent à la construction de la paix, en particulier celles qui travaillent à la base, dans les communautés.
Il est aussi nécessaire de s’attaquer aux facteurs sexo-spécifiques qui amplifient les conflits et à la manière dont ils se recoupent avec les vulnérabilités existantes.
Au Sahel, par exemple, une analyse et un travail plus poussés à l’intersection des questions de « Femmes Paix et Sécurité » et du climat sont essentiels pour aller vers une formulation plus efficace des politiques et une mise en œuvre de programmes fondés sur des données probantes.
Nous saluons, à cet égard, l’élaboration du Cadre de Résultats Continentaux (CRF) de l’Union Africaine pour le suivi de la mise en œuvre de l’Agenda « Femmes Paix et Sécurité ». Ce cadre, qui constitue une étape majeure vers la mise en œuvre, doit être soutenu et simulé dans d’autres contextes.
Aussi, la lutte contre certaines des inégalités structurelles et la discrimination à l’égard des femmes et des filles reste primordiale pour la prévention des conflits. L’accès à l’éducation est l’un des moyens les plus sûrs de s’y attaquer.
Ainsi, au cours du débat public, organisé le mois dernier sous notre présidence, le Conseil de sécurité a adopté une déclaration présidentielle (PRST) qui reconnaît la nature sexospécifique des attaques contre les écoles et exige une plus grande protection pour tous les enfants et les filles en particulier.
Monsieur le Président,
Si les femmes sont souvent les premières victimes dans les situations de conflit, elles sont également à l’origine de changements majeurs. Nous avons vu le rôle joué par les jeunes femmes au Soudan et, plus récemment, dans d’autres parties du continent africain. Les jeunes femmes bâtisseuses de la paix ont considérablement élargi l’espace civique. Il est essentiel qu’une plus grande protection soit accordée aux femmes défenseurs des droits humains qui subissent de graves représailles en raison de leur travail. À cet égard, le Niger soutient le cadre de protection des femmes bâtisseuses de la paix financé par le Royaume-Uni et s’engage à renforcer son filet de sécurité juridique et politique nationale pour les femmes bâtisseurs de la paix.
Comme 30 autres pays africains, le Niger a commencé à mettre en œuvre le plan d’action national pour la paix et la sécurité des femmes, qui a été élaboré à la suite d’un processus de consultation auquel ont participé des femmes et des hommes de toutes les régions du pays.
Monsieur le Président,
Les vulnérabilités sexospécifiques que le COVID19 a mises en évidence ne font que souligner l’exclusion systémique à laquelle les femmes sont confrontées dans de nombreux domaines. C’est dans ce contexte que ma délégation fait les recommandations suivantes :
– allouer davantage de ressources aux organisations locales de femmes bâtisseuses de paix travaillant sur la paix et la sécurité.
– une participation plus efficace des femmes dans les opérations et les missions de maintien de la paix et renforcer la tendance de la participation des femmes dans les forces de police et dans les systèmes d’alerte précoce.
– augmenter le nombre de femmes aux postes de responsabilité dans les institutions politiques, de paix et de sécurité, et leur pleine participation, sur un pied d’égalité et de manière significative, à tous les processus mandatés par les Nations unies.
– faire inclure des dispositions spéciales pour les femmes dans les accords de paix car seuls 20 % des accords de paix signés entre 1990 et 2018 contiennent de telles dispositions
– la mise en œuvre effective de l’agenda « Femmes Paix Sécurité ». Car comme le soulignent de nombreuses discussions passées et en cours, ce qui manque à cet Agenda solide « Femmes Paix Sécurité », c’est sa mise en œuvre effective
Pour conclure, je rends hommage aux milliers de femmes qui sont à la base de cet Agenda « Femmes Paix et Sécurité » en particulier celles défenseuses et bâtisseuses de la paix, du Sud, qui ont exigé des changements et, parfois même, ont risqué leur vie pour la paix, la reconstruction et la justice sociale – et, en un mot, pour faire respecter leurs droits humains. Il est de notre responsabilité de veiller à ce que les acquis durement acquis depuis la Résolution 1325 soient non seulement maintenus, mais aussi renforcés et pleinement mis en œuvre.
Je vous remercie de votre attention.