Déclaration de M. Abdou ABARRY, Représentant permanent du Niger auprès des Nations unies au nom des A3 et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines Sur la force conjointe du G5-Sahel

Déclaration de M. Abdou ABARRY, Représentant permanent du Niger auprès des Nations unies au nom des A3 et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines Sur la force conjointe du G5-Sahel

Je vous remercie, Madame la Présidente,

Je voudrais, au nom des A3+1, à savoir l’Afrique du Sud, la Tunisie, le Saint-Vincent-et-les-Grenadines et le Niger, remercier très sincèrement M. Jean Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, pour son excellent exposé et son engagement soutenu en faveur de la stabilisation du Sahel.

Nous remercions également le Représentant Permanent du Mali, M. Issa Konfourou pour sa participation à la séance d’information d’aujourd’hui au nom du G5 Sahel, l’Ambassadeur Bob Rae, Président de la Commission de la consolidation de la paix, et M. Koen Vervaeke, Directeur général pour l’Afrique au Service européen pour l’action extérieure.

Madame la Présidente,

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais saluer le fait que cette fois-ci, le rapport à l’examen a pris en compte les perspectives émanant de la Force conjointe, qui est le sujet principal du rapport. Cela a sans aucun doute été rendu possible par une collaboration et un partage d’informations accrus avec les pays et les acteurs concernés sur le terrain.

Madame la Présidente,

La région du Sahel est confrontée à des défis multiples et multiformes aux conséquences dévastatrices pour les États et leurs populations.

Le lien entre le développement et la sécurité est clairement établi dans cette région où ces phénomènes interagissent les uns avec les autres dans un effet de boucle de rétroaction.  Dans ce contexte, nous soulignons la nécessité d’une approche holistique comprenant des interventions en matière de politique, de sécurité et de développement socio-économique qui permettront d’atteindre une paix et une stabilité durables dans la région. En outre, nous pensons que cet objectif ne pourra être atteint sans s’attaquer aux causes profondes du terrorisme au Sahel.

À cet égard, les A3+1 se félicitent de la prévoyance des autorités du G5 Sahel ayant conduit à l’adoption d’une stratégie de développement et de sécurité (SDS) en 2016, dont la mise en œuvre repose sur un Programme d’Investissement Prioritaire (PIP) et qui s’articule autour de la gouvernance, de la résilience, la sécurité et les infrastructures.

Elle comprend un portefeuille de 40 projets structurants, d’une valeur totale de près de 2 milliards d’euros (financés à 13 % par les États membres). Sa première phase a débuté en 2019 et s’achèvera en 2021.

Il reste évident que dans le Sahel, le PIP reste important et constitue le cadre pertinent pour les interventions nécessaires et urgentes. Sa mise en œuvre doit donc continuer à être une priorité, tout comme elle doit rester le canal par lequel le soutien international doit être fourni, en donnant la priorité aux compétences et entreprises locales.

Pour ce faire, deux priorités nous semblent fondamentales :

  • Financer des projets à impact rapide basés sur l’implication du secteur privé, en bonne intelligence avec les autorités décentralisées ;
  • Cibler les régions frontalières afin que les possibilités d’emploi qui seront créées constituent une alternative crédible au recrutement de jeunes par des groupes armés.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les A3+1 ont insisté sur la prise en compte du contenu local à travers la résolution 2531.

Nous saluons donc tous les efforts en faveur d’une facilité permettant la coordination des financements vers les entités sahéliennes, ce qui demeure un gage de réussite de toutes nos actions sur le terrain. 

En ce qui concerne la mise en œuvre du PIP, à titre d’illustration, nous pouvons citer une initiative pilote de coopération transfrontalière, appelée Projet de développement territorial intégré (PATI), entre les municipalités des régions du Sahel (Burkina Faso), de Tombouctou (Mali) et de Tillabéri (Niger) – qui abritent 5,5 millions d’habitants, prévue pour une période d’un an et financée à hauteur de 1 milliard de francs CFA (1,8 millions de dollars) par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Madame la Présidente,

Le rapport du Secrétaire général souligne également la détérioration de la situation humanitaire, qui aggrave la fragilité des États du G5 au Sahel et les conditions de vie des populations touchées.

En effet, en 2020, environ 31,4 millions de Sahéliens ont malheureusement besoin d’assistance et de protection. Les effets de COVID 19, de l’insécurité alimentaire et du changement climatique, et les inondations sont venus hélas compliquer la situation.

Dans ce contexte, nous nous félicitons de la tenue de la table ronde ministérielle sur le Sahel central (Niger, Mali, Burkina Faso) tenue à Copenhague le 20 octobre, et coorganisée par les Nations unies, le Danemark, l’Union européenne et l’Allemagne, sur la crise humanitaire dans cette région.

Les A3+1 se félicitent également, à cet égard, des engagements pris en matière de financement des interventions humanitaires, qui s’élèvent à 996,8 millions de dollars pour 2020 et à 725,4 millions de dollars pour 2021 ; et encourage les partenaires internationaux à donner la priorité aux États concernés et à leurs institutions spécialisées dans la mise en œuvre des programmes identifiés.

Madame la Présidente,

En ce qui concerne la situation sécuritaire, nous nous réjouissons de l’amélioration de la situation dans la région du Liptako-Gourma à la suite des opérations de la Force conjointe en cours, et qui visent à couper les différents canaux d’approvisionnement des groupes armés terroristes et des groupes criminels organisés. 

Toutefois, les menaces pour la sécurité restent très préoccupantes et nous condamnons l’augmentation des attaques terroristes visant les forces de défense et de sécurité ainsi que la violence intercommunautaire croissante provoquée par les groupes armés locaux ainsi que par les groupes terroristes.

Les A3+1 se félicitent de l’augmentation de la capacité opérationnelle et du rythme des opérations de la Force conjointe, dont les succès sont de plus en plus réguliers, ainsi que de l’opérationnalisation de sa composante police. L’opération SAMA 1 est une illustration encourageante à cet égard.

Par ailleurs, l’annonce faite le 5 octobre à Nouakchott, lors de la huitième session ordinaire du Conseil des ministres du G5 Sahel, du déploiement prochain d’un bataillon tchadien pour participer à l’opération SAMA 2, nous rassure encore plus dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans la zone centrale.

Nous saluons les efforts continus du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine pour travailler au prochain déploiement de 3 000 membres de la Force en attente de l’Union africaine, qui renforcera encore la lutte contre le terrorisme dans la région.

Madame la Présidente,

En ce qui concerne la performance de la Force conjointe, les opérations des dix derniers mois dans les trois domaines d’opérations ont permis :

  • De neutraliser et ou d’arrêter cent vingt-trois (123) terroristes ;
  • D’arrêter cent quatre (104) trafiquants ;
  • De saisir, récupérer ou détruire deux cent quatorze (214) motocyclettes et dix-sept (17) véhicules ;
  • Détruire plusieurs dépôts logistiques ou sites de fabrication d’engins explosifs improvisés ;
  • Récupérer près de deux cents (200) armes et des milliers de munitions de tous calibres.

Parallèlement, la restructuration du Secrétariat exécutif du G5 Sahel l’a rendu plus opérationnel. Cela lui a permis d’apporter un soutien plus efficace à la Force conjointe.

Les A3+1 se félicitent du soutien décisif apporté par la MINUSMA à la Force Conjointe, y compris au Mali dans le cadre de la stabilisation et du rétablissement progressif de l’autorité de l’Etat dans le centre et le nord du pays.  Il en est de même pour les mesures prises ces derniers mois par la Mission dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 2351 (2020 et l’achèvement de la construction et la remise du quartier général temporaire de la Force Conjointe, qui a considérablement amélioré la capacité de la Force à fonctionner plus efficacement.

Cependant, les récents événements au Mali nous invitent à redoubler d’efforts pour aider le pays à assurer l’intégrité de son territoire et la sécurité de sa population.

Il est clair que le retour des forces de défense et de sécurité sur l’ensemble du territoire national est une condition préalable au retour des administrations régionales ; c’est pourquoi il est essentiel que les autorités maliennes consolident leur emprise dans les régions menacées.

Les A3+1 saluent les progrès significatifs réalisés par la Force Conjointe pour développer et mettre en œuvre le cadre de conformité sur le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, y compris la mise en place du Mécanisme d’Identification, de Suivi et d’Analyse des Victimes Civiles (MISAD). Cela illustre le ferme engagement des pays du G5 au Sahel à respecter les droits de l’homme et le droit humanitaire international.

Madame la Présidente,

Si nous apprécions, à juste titre, les avancées faites dans la collaboration et l’appui apportés par la MINUSMA à la Force Conjointe du G5 Sahel, il faut se le dire, ce mode de soutien n’est ni adéquat ni suffisant, dans un contexte de lutte contre le terrorisme.

Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Antonio Guterres, a répété ce point de vue dans de nombreux rapports, y compris dans sa dernière évaluation de ce soutien.

Si la Force conjointe devait à terme devenir autonome, nous devrions invariablement mettre en œuvre les recommandations des évaluations relatives au soutien à la Force conjointe.

Cela nécessiterait la création d’un bureau d’appui des Nations unies dédié à la Force Conjointe et financé par les contributions des États membres.

Ce faisant, l’on devra tenir compte des dispositions de la résolution 2391, qui stipule clairement que le soutien à la Force Conjointe ne doit pas affecter les performances de la MINUSMA.

En outre, la situation sociopolitique et sécuritaire actuelle au Mali exige que la MINUSMA redouble d’efforts et qu’elle se concentre sur les tâches essentielles de son mandat afin de réaliser ses priorités stratégiques.

En ce moment où plusieurs pays de la région sont engagés dans des processus électoraux qui révèlent ou accentuent certaines faiblesses, il me plait de saluer le rôle positif joué par le Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest (UNOWAS) et appeler tous les partenaires à plus de coordination de leurs initiatives et autres soutiens à la région du Sahel.

En conclusion, et comme l’a déclaré le Secrétaire général des Nations unies dans son dernier rapport sur la question, « la communauté internationale a l’obligation morale et la responsabilité partagée de soutenir les États membres du G-5 Sahel dans leurs efforts louables pour apporter la paix et le développement durable dans la région ».

Les membres du Conseil sont également encouragés à être plus pragmatiques sur cette question qui va au-delà du Sahel et qui appelle une réponse globale. En somme, la mission première de la Force conjointe est de débarrasser le Sahel de ces forces du mal, qui dans le cas contraire pourraient étendre leur champ d’action maléfique vers d’autres contrées.  

Je vous remercie.