Déclaration de M. Abdou Abarry Représentant permanent du Niger auprès des Nations Unies au briefing du Conseil de sécurité sur la situation au Mali

Déclaration de M. Abdou Abarry Représentant permanent du Niger auprès des Nations Unies au briefing du Conseil de sécurité sur la situation au Mali

Je vous remercie, Monsieur le Président,

Je voudrais tout d’abord exprimer mes sincères remerciements à M. Mahamat Saleh Annadif, Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali et chef de la MINUSMA, pour son exposé perspicace et pour son engagement soutenu en faveur de la stabilisation de la situation au Mali.

Monsieur le Président,

La situation au Mali, qui connaît une quadruple crise – sécuritaire, sanitaire, économique et politique – devrait nous préoccuper tous.

Comme vous le savez peut-être, la crise actuelle a été déclenchée par l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur les élections législatives de mars et avril 2020, qui ont été partiellement contestées par certains acteurs politiques. Depuis lors, le Mali connaît une crise politique de plus en plus aiguë qui a suscité des protestations, menées par une partie de l’opposition malienne regroupée au sein du mouvement « M5-RFP ». Des manifestations hostiles au régime actuel ont été organisées à Bamako et par la diaspora malienne dans d’autres capitales de la région et du monde entier. Les dernières manifestations des 10, 11 et 12 juillet ont malheureusement entraîné la perte de vies humaines, de nombreux blessés et des dommages importants aux biens publics et privés. Cette situation s’ajoute à une crise sécuritaire déjà existante qui touche le Mali depuis 2012.

Monsieur le Président,

Comme nous l’avons averti dans le cas de la Libye en 2011, l’impact multidimensionnel de l’escalade de cette impasse politique aura des conséquences désastreuses qui affecteront les pays voisins comme le Burkina Faso et mon pays, le Niger, mais aussi d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, à un moment où les pays de cette région doivent non seulement faire face à la pandémie de COVID-19, mais aussi se préparer à des élections cruciales.

Nous ne perdons pas non plus de vue que l’effondrement des institutions du Mali en 2012 a presque ouvert la voie au contrôle du pays par des organisations terroristes et criminelles.

N’oublions pas également que le Mali, comme les autres pays du Sahel et du bassin du lac Tchad, est en guerre, une guerre qui est une des conséquences de la crise de 2012, prouvant ainsi que l’effondrement d’un État a non seulement des graves conséquences pour ce dernier, mais à tous ses voisins et même au-delà.

À ce titre, et dans le but de résoudre cette crise sociopolitique qui s’aggrave, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), présidée par S.E. Issoufou Mahamadou, Président du Niger, a initié trois missions de médiation. La première a été dirigée par S.E. Kalla Ankourao, ministre des Affaires Etrangères du Niger, du 18 au 20 juin 2020. La deuxième a été dirigée par S.E. Goodluck Ebele Jonathan, ancien président de la République Fédérale du Nigeria, du 15 au 19 juillet 2020.

Sur la base des consultations et des recommandations subséquentes de ces deux missions, S.E. Issoufou Mahamadou a dirigé une mission de médiation de haut niveau au Mali, composée de quatre (4) autres chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigeria et du Sénégal.

Nous sommes également heureux de constater qu’avant la célébration de la Tabaski et l’arrivée de la délégation présidentielle au Mali, les leaders des mouvements de protestation avaient décidé d’observer une trêve jusqu’à la fin du mois. Cela nous donne des raisons d’espérer une possible sortie de crise.

Monsieur le President,

Pour donner suite à leur visite, le Président de l’Autorité des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO a convoqué un sommet des chefs d’État et de gouvernement, qui a eu lieu aujourd’hui, 27 juillet 2020.

Le sommet a examiné attentivement la situation et a appelé tous les Maliens, dans toute leur diversité, à privilégier le dialogue, à faire preuve de retenue et à unir leurs efforts dans le but de construire ensemble le Mali qu’ils veulent.

Le sommet a décidé que les mesures suivantes devaient être prises d’urgence pour résoudre cette crise institutionnelle :

  • La démission immédiate des 31 parlementaires dont l’élection est contestée, dont le Président du Parlement. La majorité présidentielle doit faire tout son possible pour obtenir cette démission, qui ouvrira la voie à des élections partielles. En attendant ces élections partielles, le Parlement pourra fonctionner avec les 116 parlementaires restants.
  • Une reconstitution rapide de la Cour constitutionnelle, conformément à la Constitution du Mali. En cas de difficultés dans la désignation des membres de la Cour constitutionnelle par les différentes instances, le Président de la République aura recours à l’article 50 de la Constitution pour désigner les 9 membres.
  • La mise en place rapide d’un gouvernement d’union nationale avec la participation de l’opposition et de la société civile. L’opposition, en particulier le M5-RFP, est encouragée à participer à ce Gouvernement d’union nationale en vue de contribuer à la résolution des problèmes de gouvernance qui affectent le Mali dans un esprit de patriotisme. La tâche prioritaire de ce gouvernement d’union nationale sera de mettre en œuvre toutes les réformes, recommandations et décisions résultant du dialogue national inclusif et de s’attaquer aux problèmes de gouvernance. En particulier, la mise en œuvre des accords d’Alger devrait être accélérée. Compte tenu des nombreux défis auxquels le pays est confronté, certains membres du gouvernement pourraient être nommés avant la formation du gouvernement d’unité nationale. Il s’agit des Ministres de la défense, de la justice, des affaires étrangères, de la sécurité intérieure et des finances.
  • La mise en place rapide d’une commission d’enquête pour déterminer la responsabilité des violences qui ont conduit aux morts et aux blessés mais aussi à la destruction de biens publics et privés les 10, 11 et 12 juillet 2020.
  • La mise en place d’un Comité de suivi de toutes les mesures prises ci-dessus, qui comprendra des représentants du gouvernement, du Parlement, de la société civile, du pouvoir judiciaire, du M5-RFP, des femmes et des jeunes, avec la participation de l’Union africaine et des Nations Unies, sous la présidence de la CEDEAO.
  • La mise en place par la CEDEAO d’un régime de sanctions contre ceux qui commettront des actes contraires au processus de normalisation de cette crise.
  • Etant entendu que toutes les décisions et mesures ci-dessus devront être mises en œuvre au plus tard le 31 juillet 2020.

Il est également à noter que le Sommet a proposé la création d’un Fonds d’affectation spéciale pour soutenir les victimes des troubles et leurs familles. Cette initiative sera soutenue par l’Union africaine et les Nations unies. Le Sommet a également recommandé de maintenir l’actuel Premier ministre nommé.

Monsieur le Président,

En conclusion, les efforts de la CEDEAO démontrent son sens élevé de l’appropriation et du leadership dans la résolution des crises multidimensionnelles qui assaillent la région.

Nous voudrions souligner, dans le même ordre d’idée que le Secrétaire Général, l’importance du dialogue et encourager tous les acteurs maliens à travailler de manière inclusive et constructive pour préserver l’État de droit et respecter les droits fondamentaux.

Nous demandons donc au Conseil de soutenir la mission de médiation de la CEDEAO et d’encourager toutes les parties à s’engager et à mettre en œuvre ses recommandations afin de résoudre cette crise, de placer l’intérêt collectif du pays au-dessus de tout et d’éviter de créer une situation incontrôlable.

Le terrorisme et la pauvreté sont les principaux ennemis du peuple malien. Aidons donc les Maliens à créer les conditions pour résoudre les crises sécuritaire, sanitaire et économique auxquelles leur pays est confronté.

Je vous remercie,

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